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Quel modèle agricole pour soutenir la biodiversité sur le bassin de la Charente ?

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En Charente-Maritime, sur le marais de Brouage, les pratiques agricoles extensives contribuent à maintenir la biodiversité et l'équilibre naturel du milieu. Expérimentation à grande échelle reconnue par les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique, ce site exceptionnel fait la démonstration qu'en adaptant les pratiques, l'agriculture peut aussi apporter des solutions pour soutenir la biodiversité et préserver la ressource en eau.

Le Marais de Brouage abrite 1500 km de canaux et fossés sur 10 000 hectares, une mosaïque unique d'habitats prairiaux et humides, pour une multitude d'espèces : anguilles, visons d'Europe, loutres, échasses-blanches, papillons, chauve-souris... Visage de la biodiversité en milieu humide à quelques kilomètres à vol d'oiseau de l'estuaire de la Charente, l'endroit a pourtant été façonné par l'homme au fil du temps. 

Marais de Brouage : quand les pratiques agricoles extensives participent au maintien de l'équilibre du milieu naturel

Aujourd'hui, sa richesse et son équilibre sont maintenus grâce à l'activité agricole, en particulier l'élevage bovin selon un mode extensif et pastoral. Sans l'activité humaine, le marais redeviendrait insalubre. 
Jean-Marie Gilardeau, président de la Fédération nationale des associations syndicales de marais, élu, et spécialiste du marais de Brouage illustre :  "Ici, l'herbe pousse naturellement. Les éleveurs n'utilisent pas d'engrais de synthèse, ni d'intrants phytosanitaire ; les dates de fauche respectent la nidification des oiseaux ; le modèle est extensif et non pas intensif : la démarche, qu'on disait en retard il y a 20 ans, est aujourd'hui en avance et correspond à une démarche agroécologique".

« Quand l'agroécologie préserve les zones humides »

Sur ce site natura 2000, les pratiques agricoles se sont adaptées au milieu. Zone humide exceptionnelle, le marais est protégé par plusieurs instruments juridiques, qui n'empêchent pas la pratique du pâturage. Au contraire : celle-ci est reconnue comme nécessaire au maintien du bon état des milieux. Ainsi, le marais de Brouage fait l'objet depuis fin 2019 d'un contrat de progrès territorial, un investissement de 3,7 millions d'euros pour soutenir le modèle agricole du marais et sa préservation. 
 

Activités agricoles et biodiversité : interdépendances et impacts sur le bassin de la Charente

Ce modèle est-il reproductible partout sur le territoire du bassin de la Charente, un territoire rural et contrasté ? Entre Angoulême et La Rochelle, les activités agricoles composent une mosaïque de paysages diversifiés : grandes cultures, vignoble charentais pour 17 % de la surface du bassin, élevage bovin à l'est, marais... Au total, la surface agricole utile occupe environ 60 % de la superficie du bassin. 

Les impacts de l'activité agricole sur l'eau et les milieux sont multiples  :

  • Le risque de pollution : nitrates, produits phytosanitaires, phosphore, font partie des principaux polluants de l'eau et des sols. Tout le bassin de la Charente est concerné, les pollutions diffuses touchant à la fois les nappes superficielles et souterraines ;
  • Le risque d'érosion des sols ;
  • Le risque d'à-sec induit par les aménagements sur les rivières. Il est particulièrement visible sur le bassin de la Charente où la reconquête des fonctionnalités des rivières et des zones humides constituent un enjeu fort.

Par ailleurs, les prélèvements d'eau pour l'irrigation représentent 57 % des prélèvements sur le bassin de la Charente (contre 34 % pour l'eau potable et 9 % pour l'industrie).

Cette situation n'est pas propre au bassin de la Charente, elle est le reflet d'un modèle de production intensif, souvent pointé du doigt comme source d'appauvrissement des milieux. Pour l'Office français de la biodiversité, la biodiversité est "malade de certains modes de production". 

Mais les pratiques agricoles sont aussi source de solutions. Les agriculteurs travaillent au cœur du vivant et avec lui. Lorsqu'ils font évoluer leurs pratiques vers des solutions alternatives à un modèle de production intensif, ils contribuent à trouver des équilibres justes entre la viabilité de leur activité économique, et la viabilité à long terme de tout un écosystème

Quelles pratiques agricoles favoriser pour soutenir la biodiversité ?

C'est la raison pour laquelle l'Agence de l'eau Adour-Garonne encourage une agriculture résiliente, performante sur trois plans, environnemental, social et économique. Une agriculture innovante, fondée sur le respect des milieux et de leur fonctionnement, tel que le permettent l'agriculture biologique, qui supprime le recours aux intrants, ou encore l'agroécologie qui mobilise des solutions fondées sur la nature.

Pour soutenir ces modèles, des innovations voient le jour, comme le "Paiement pour services environnementaux", un outil de rétribution accordé aux agriculteurs vertueux et expérimenté sur le bassin Adour-Garonne depuis 2019.
 

Agroécologie : quelques solutions soutenues par le programme Re-sources sur le bassin de la Charente

Sur le bassin de la Charente, le programme Re-sources est un programme multipartenarial qui vise à la préservation de l'eau potable. Sur les aires de captage de l'eau potable, ce programme soutient des pratiques agricoles vertueuses telles que :

•    le développement d'infrastructures agroécologiques, haies, zones humides, couverts environnementaux, etc.
•    le développement de systèmes de culture écologiquement performants, tels que l'agriculture de conservation, la couverture des sols, l'agriculture biologique, etc.

Surtout, pour que les pratiques agricoles vertueuses pour l'eau et la biodiversité s'installent dans la durée sur un territoire donné, elles doivent être soutenues par des filières complètes, capables d'offrir les bons débouchés aux agriculteurs. Dans le Cognac, par exemple, seules 5 % des exploitations sont en agriculture biologique. Pour Sophie Brard-Blanchard, dont le vignoble est exploité en bio depuis 50 ans, travailler en agriculture biologique implique de transformer les habitudes. "Il faut agir de façon préventive en permanence, au lieu d'être dans le curatif", confie-t-elle. 

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Soutenir les pratiques agricoles vertueuses au-delà de l'agriculture seule

Sur le marais de Brouage, les professions agricoles travaillent actuellement à faire reconnaître leur filière viande pour ses particularités. Circuits courts et ateliers de découpe et de vente directe du producteur au consommateur sont en construction. Les producteurs cherchent à faire reconnaître la spécificité de la viande du marais. Jean-Marie Gilardeau conclut : " Valoriser ces produits aiderait les éleveurs à percevoir une rémunération plus attractive. Nous réfléchissons à créer un système qui permettrait aux éleveurs d'être rémunérés pour la prestation alimentaire et pour les services environnementaux rendus. Toute la question est de savoir si on peut amener la population à accepter à payer une viande un peu plus chère, non pas pour ses qualités intrinsèques exclusivement, mais aussi pour la façon dont elle est produite".

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