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Bassin Adour-Garonne

« L’eau en 2050 : graves tensions sur les écosystèmes et les usages »

#140

Interview d'Hélène ARAMBOUROU, adjointe au directeur du département Développement durable et Numérique, Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan et co-auteur du rapport rapport « L’eau en 2050 : graves tensions sur les écosystèmes et les usages ».

  • Vous êtes l’une des auteurs du rapport du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan : « L’eau : de graves tensions sur les écosystèmes et les usages à l’horizon 2050 ».

    Ce rapport vient compléter un premier volet sorti en 2024 et qui c’était concentré sur les évolutions prospectives de la demande. Pourriez-vous nous en dire plus ?  

    En effet, le premier volet de l’étude menée par le Haut-commissariat au Plan et à la Stratégie [à l’époque France Stratégie] a mis en évidence une augmentation marquée des prélèvements en eau et plus encore des consommations correspondant à la part réellement évapotranspirée – à l’horizon 2050. C’est cette dernière qui exerce une pression directe sur la ressource, car elle représente une perte nette pour les milieux aquatiques.  

    Le rapport présentait les évolutions des usages à horizon 2030 et 2050 en fonction de trois scénarios : continuation des tendances, stratégie nationale bas carbone et mise en œuvre des politiques sectorielles actuelles et enfin le scénario de rupture de l’ADEME visant la neutralité carbone.

    Seul le scénario prospectif dit « de rupture », caractérisé par un usage sobre de l’eau dans l’ensemble de la société, permettrait de limiter la croissance des consommations en eau entre 2020 et 2050.  

    Mais cette première étude ne tenait pas compte de la disponibilité de la ressource. 
    L’étude présentée aujourd’hui poursuit donc cette analyse en confrontant les projections de demande théorique à l’horizon 2050 aux ressources en eau disponibles. L’objectif est d’identifier, à l’échelle des quarante bassins versants de France, les périodes de l’année où la demande humaine ou les besoins des milieux ne pourraient être pleinement satisfaits.  

 

  • Selon votre étude, quels sont les impacts attendus du changement climatique sur les ressources en eau à l’horizon 2050, notamment pour les écosystèmes ?  

    À l’horizon 2050, le changement climatique pourrait engendrer des situations de stress chronique pour les écosystèmes aquatiques sur l’ensemble du territoire hexagonal, et plus particulièrement dans les régions du sud-ouest et du sud-est. Ces pressions ne seraient pas seulement liées à la baisse de la ressource en eau, mais aussi aux prélèvements anthropiques, qui viennent accentuer la tension sur les milieux naturels. Cela plaide en faveur d’un effort collectif de sobriété dans les usages.  

    Par ailleurs, il est important de préciser que les "besoins environnementaux" évoqués dans notre étude sont aujourd’hui définis sur la base de seuils hydrologiques. Une approche plus fine, qui intégrerait les dynamiques biologiques, la résilience des milieux et les objectifs de bon état écologique, permettrait de mieux appréhender la vulnérabilité réelle des écosystèmes, d’autant que ceux-ci sont amenés à évoluer dans le temps.  

 

  • Et pour les usages humains, quels niveaux de tension anticipez-vous ?  

    Si aucune inflexion n’est apportée aux tendances actuelles, environ 85 % du territoire métropolitain pourraient connaître, en été, des situations de tension modérée à sévère sur la ressource. Cela se traduirait par des restrictions d’usage de plus en plus fréquentes, touchant l’agriculture, l’industrie, mais aussi les usages domestiques – comme cela a déjà été le cas durant l’été 2022.  

    Concernant les consommations d’eau – c’est-à-dire la part utilisée et non restituée au milieu – les tensions pourraient être particulièrement marquées dans le sud-ouest et le sud-est, en raison notamment de la place importante de l’irrigation agricole dans ces régions. Cela souligne la nécessité de mettre en place des politiques publiques d’accompagnement des usages, ainsi que de soutien aux transitions agricoles et territoriales.  

 

  • Peut-on s’attendre à une dégradation généralisée de la situation hydrique ?  

    Oui, la situation hydrique – qui résulte du croisement entre l’évolution des ressources disponibles et celle des besoins – devrait se dégrader entre 2020 et 2050. Et cela ne concernera pas uniquement l’été : des tensions pourraient apparaître également en hiver, sur une large part du territoire.  

    Cette dégradation est le fruit d’un double phénomène : d’un côté, une baisse projetée de la ressource en eau, liée au changement climatique ; de l’autre, une hausse de la demande, en particulier des consommations effectives. C’est ce déséquilibre croissant qui appelle une réponse anticipée.  

 

  • Que recommandez-vous face à ces perspectives ?  

    Ces constats montrent clairement la nécessité d’agir dès aujourd’hui. Il est impératif de planifier les transformations des usages de l’eau afin de réduire les pressions sur les milieux naturels et d’éviter les conflits entre les différents usagers.  

    Cela passe par des politiques publiques ambitieuses, un accompagnement des transitions agricoles et industrielles, la restauration des milieux et une culture de la sobriété partagée par tous les acteurs et à toutes les échelles du territoire.  

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