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La réutilisation des eaux usées traitées

Publié le

Face aux enjeux majeurs que sont le changement climatique et l'augmentation de la population, le partage de la ressource en eau entre tous les usages (domestique, agricole, industriel…) nécessite l’émergence de solutions nouvelles, adaptées au contexte local.
La réutilisation des eaux usées traitées peut constituer l’une des réponses à la raréfaction de la ressource en eau douce.

Station d'épuration

Qu'est-ce-que la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) ?

La REUT, un des volets de la réutilisation des eaux non-conventionnelles 

On parle de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) lorsque l’on utilise des eaux ayant déjà été employées pour un autre usage après traitement. Il s’agit en général des eaux usées traitées issues de stations d’épuration – STEP (station de traitement des eaux résiduaires urbaines) : 

  • eaux issues de l’utilisation domestique ;
  •  ou eaux urbaines de ruissellement ;
  •  ou eaux industrielles. 

La réutilisation peut être interne (au sein d’une même structure) ou externe (usage par une autre structure).

C’est l’un des volets de la réutilisation des eaux non conventionnelles
Les eaux non-conventionnelles désignent les eaux pluviales, les eaux grises les eaux provenant du dessalement d’eaux de mer ou saumâtres et la réutilisation d’eaux usées traitées.  L’usage de ces eaux non conventionnelles peut constituer une alternative au prélèvement dans les ressources en eaux conventionnelles (eaux des lacs, rivières, nappes phréatiques…) qui subissent aujourd’hui de fortes pressions.

Savez-vous ce que sont les eaux grises ?

Les eaux grises sont des eaux usées domestiques faiblement polluées issues des lavabos, des douches, des machines à laver le linge ou la vaisselle et des éviers. Séparées des « eaux noires » (eaux des toilettes), elles pourraient être réutilisées facilement dans le bâtiment pour des usages ne nécessitant pas de l’eau potable (chasse d’eau des toilettes, arrosage des espaces verts, nettoyage des sols, climatisation, etc). Leur réutilisation pourrait faire l’objet prochainement d’une évolution réglementaire, dans la continuité des annonces du plan eau.

Faire d’un déchet une ressource

La réutilisation des eaux usées traitées est l'une des solutions possible d’adaptation au changement climatique pour répondre aux déficits hydriques au niveau local. Elle permet notamment de substituer une ressource en eau à haute valeur ajoutée comme l’eau potable ou les eaux souterraines.  

Si elle n’impacte pas le débit des cours d’eau, la réutilisation permet de diminuer les rejets polluants des stations d’épuration vers les cours d’eau, elle est donc également un levier d’action pour l’amélioration de la qualité des eaux et milieux aquatiques. 

Le recyclage de l’azote et du phosphore présents dans les eaux usées traitées peut être valorisé en agriculture, en substitution partielle de l’usage d’engrais de synthèse, évitant ainsi des traitements poussés, couteux, en station d’épuration.

La réutilisation des eaux usées traitées, n’est jamais l’unique solution, elle doit s’inscrire avant tout dans une démarche de sobriété et de gestion concertée de la ressource en eau (gestion territoriale intégrée de la ressource, gestion des fuites, économies d’eau, amélioration des traitements, pratiques agroécologiques en agriculture, etc.)
 

Un cadre réglementaire qui évolue 

Quelle que soit l’utilisation envisagée, la mise en œuvre de projets de réutilisation des eaux usées est une pratique strictement réglementée et soumise à un régime d’autorisation préalable. Des précautions qui permettent de s’assurer de la conformité des pratiques avec les normes sanitaires et environnementales.

A ce jour, le cadre réglementaire applicable se compose de plusieurs textes :

  • l’arrêté du 2 Août 2010 révisé en 2016 relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation des cultures et des espaces verts. 
  • au niveau européen, le règlement (UE) 2020/41 du 25 Mai 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau, entrera en vigueur le 26 juin 2023 et viendra modifier la règlementation française applicable actuellement pour les usages d’irrigation agricole.
  • le décret du 10 Mars 2022 complété par l’arrêté du 28 juillet 2022 permet la réutilisation pour de nouveaux usages tels que des usages urbains : hydrocurage des réseaux, nettoyage des voiries, lutte contre les incendie, des usages industriels ou de la recharge de nappe. Cela concerne à la fois les eaux usées traitées domestiques et les eaux usées traitées industrielles. 

Avec les annonces du Plan eau, le 31 mars 2023, les freins règlementaires à la valorisation des eaux non-conventionnelles vont être levés à la fois dans l’industrie agro-alimentaire, dans d’autres secteurs industriels et pour certains usages domestiques. Le cadre réglementaire devrait donc connaitre des ajustements. 
 

Etat des lieux en France et dans le bassin

En France, où la réutilisation des eaux traitées est très peu développée, des réflexions et des projets sont en cours. Lors de l’annonce du plan eau (mars 2023) le Gouvernement a exprimé sa volonté que les volumes d'eaux non conventionnelles réutilisées qui représentent aujourd’hui moins de 1 % des volumes ( dont 0,3% de REUT) passent à 10% en 2030.

A l’échelle du bassin Adour-Garonne, le déficit actuel entre besoins et ressources, s’élève à 200 à 250 millions de m3 d'eau en période d’étiage. Ces contraintes sur la ressource en eau sont accentuées par le changement climatique. Le déficit pourrait atteindre 1 milliard de m3 en 2050, impliquant des sécheresses plus nombreuses et la baisse des niveaux des cours d’eau... 

A la clef, de probables conflits d'usages localisés et une moins grande capacité épuratoire des cours d’eau et, de ce fait, un risque de dégradation de la qualité des milieux. Il est urgent d’agir pour trouver des solutions d’adaptation.  La réutilisation des eaux usées traitées est une solution possible, parmi d’autres, au niveau local.
 

Vous avez un projet ? Quelques repères

Des facteurs clés de réussite 

Élaborer une filière de réutilisation des eaux usées traitées, de la production de ces eaux jusqu’à leur devenir final, est un processus complexe qui demande un investissement sur le long terme pour garantir un projet durable avec des risques maîtrisés. Sa complexité s’explique par sa technicité, son coût, sa règlementation mais aussi l’implication de plusieurs acteurs. Ainsi, plusieurs conditions de réussite doivent nécessairement être réunies : 

  1. S’inscrire dans un contexte local
    La réutilisation des eaux usées constitue l’une des solutions locales, complémentaire à d’autres solutions (économie d’eau, recyclage, désalinisation…), pour pallier un déficit en eau ou réduire une pression polluante sur la ressource et permettre de répondre à des besoins spécifiques sur un territoire.
     
  2. Répondre à un enjeu environnemental
    Si la réutilisation des eaux usées traitées est tout à fait adaptée en milieu littoral lorsque les eaux usées traitées sont rejetées en mer, elle n’est pas toujours intéressante en milieu continental lorsque le rejet de la station contribue significativement au débit du cours d’eau dans laquelle elle se rejette. De même, elle ne doit pas être préalable à des actions d’économie d’eau et doit s’intégrer dans une vision intégrée et raisonnée de la ressource en eau à l’échelle du territoire (principe de sobriété). Enfin, l’analyse du cycle de vie globale est à considérer pour prendre en compte l’ensemble des enjeux environnementaux : bilan hydrique local, émissions de gaz à effet de serre, consommation énergétique, etc.
     
  3. Réunir les parties prenantes
    Les projets de réutilisation des eaux usées traitées nécessitent la collaboration de toutes les parties prenantes : industriels, collectivités, instituts de recherche, laboratoires associations…  et nécessitent l’organisation de partenariats.
     
  4. Maîtriser les aspects techniques et économiques
    Un projet de réutilisation des eaux usées traitées suppose un investissement, donc un coût économique et des compétences techniques, des capacités d’innovation et de développement qui doivent être adaptées. Des analyses coûts / bénéfices sont nécessaires pour appréhender la rentabilité globale des projets. Le prix de l’eau réutilisée délivrée est aussi déterminant.
    La réutilisation des eaux usées ne constitue pas une solution miracle, mais doit s’inscrire dans des solutions locales.
     

Solliciter un accompagnement auprès de l’Agence 

Depuis décembre dernier, l’Agence encourage le recours à l’usage des eaux non-conventionnelles par la mise en place d’un dispositif d’aides au fil de l’eau. Les porteurs de projets ont désormais accès à un dispositif d’accompagnement incitatif et à des taux d’aides bonifiés pouvant varier de 50 à 70 % en fonction de la nature du projet.

Des exemples dans le bassin Adour-Garonne

Étude sur la valorisation agricole des eaux traitées issues de la station d'épuration de Conte à Mont de Marsan (Lauréat appel à projets EC’eau – usage agricole)
L'objectif du projet consiste à valoriser par l'irrigation l'intégralité de l'eau traitée annuellement par la station d'épuration de Conte, soit un volume moyen de 1,54 millions de m3 (Mm3) d'eau, et de supprimer 42 pompages en rivière ou réservoirs connectés, implantés sur le linéaire du ruisseau, pour un volume total équivalent.
 

Réutilisation des eaux usées traitées sur le territoire du Sicoval dans un objectif de multiusage
Lauréate de l’appel à projet EC’EAU (économie circulaire de l’eau) portée par l’Agence de l’eau Adour Garonne et la Région, le Sicoval a mené une étude d’opportunité pour la réutilisation des eaux usées.  Il s’agit de récupérer une partie des eaux usées traitées avant le rejet en milieu naturel et de les retraiter par traitement tertiaire* afin de les valoriser pour différents usages ne nécessitant pas l’utilisation d’eau potable : irrigation des espaces verts, remplissage des véhicules de lutte contre incendie, remplissage des véhicules de nettoyage de la voirie, hydrocurage des réseaux d’assainissement. Suite à cette étude, il a été décidé de construire dans un premier temps 2 bornes multi usages sur les stations d’épuration de Castanet et Ayguesvives (Axe Sud) pour fournir de l’eau à des professionnels à proximité. 

Cap Ecologia  - Expérimentation de la réutilisation des eaux usées traitées après affinage sur le site de Cap Ecologia à Pau- Lescar (Lauréat appel à projets EC’eau )
La Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées souhaite diversifier la réutilisation des eaux usées traitées par l’usine de dépollution de Lescar (190 000 équivalents-habitants). Elle doit expérimenter, dans le cadre du décret du 10 mars 2022, plusieurs nouveaux usages de réutilisation des eaux traitées affinées par nanofiltration fibres creuses. Cette technologie émergente laisse espérer une qualité d’eau proche de l’eau potable, avec des conditions d’exploitation simplifiées par rapport aux technologies actuelles. Les usages envisagés sont variés : alimentation de l'électrolyseur, eau pour les toilettes du bâtiment d'exploitation, hydrocurage des réseaux, aire de lavage des bennes de collecte des déchets, aquaponie ou cultures maraichères (potentiel).
 

« La REUT/REUSE, c'est quoi ? »

« A la source // Peut-on irriguer sans pomper dans la rivière ? »

« La REUT - des exemples concrets dans le grand Sud-Ouest »

Pour aller plus loin

La Commission a initié un processus de révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (Directive 91/271/CEE du 21 mai 1991). A la lumière du pacte vert pour l’Europe

, la directive doit s’aligner sur les nouvelles ambitions en matière d’environnement et de climat.

La nouvelle directive devrait être adoptée par la Commission européenne au 1er trimestre 2022.

Concernant les exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau, elles sont fixées dans le Règlement (UE) 2020/741 du Parlement Européen et du Conseil du 25 mai 2020

, qui entrera en vigueur le 26 juin 2023.